Aurélie, cofondatrice de Robin des Moulins, a transformé un ancien moulin dans l’Oise en un lieu à la croisée du projet de vie, familial et professionnel.
En quête de sens, elle et son conjoint ont lancé ce projet en pleine nature pour accueillir des séminaires et des événements tout en intégrant une démarche écologique et solidaire. Robin des Moulins se veut un lieu à impact, aussi bien pour les entreprises que pour les habitants.
J'ai eu l'occasion d'interviewer Aurélie lors d'une visioconférence, découvrez ci-après l'histoire de son moulin et son engagement.
Ce que j’adore et qui me motive au quotidien, c’est donner vie à une vision qu’on avait rêvée.
Peux-tu te présenter en quelques mots :
Je suis Aurélie, cofondatrice de Robin des moulins, un projet d’économie sociale et solidaire. J’ai bientôt 40 ans, je suis maman et j’habite à la campagne depuis 2 ans, dans l’Oise. J’ai changé de vie plusieurs fois.
Qu'est-ce qui t’as poussé à créer Robin des Moulins ? Comment l’idée est-elle venue ?
C’est un projet de vie, un projet de famille et un projet professionnel, tout à la fois !
Quand j’étais enceinte de mon fils, au lieu de chercher un appartement plus grand, mon conjoint s’est intéressé aux moulins. Il s’est alors rendu compte qu’il y a beaucoup de moulins à reprendre autour de Paris, des bâtiments anciens avec une histoire, des lieux qui rendaient service et qui étaient utiles au territoire.
On a finalement trouvé un appartement, mais le projet de moulin a fait son chemin et est revenu sous une autre forme quelque temps plus tard pendant le Covid.
Comme beaucoup, le confinement a bousculé nos habitudes et questionné nos envies, d’autant plus avec un jeune enfant : ras le bol de la vie en ville, burn-out et quête de sens au travail… quand j’ai quitté mon boulot sur Paris, on a réalisé que c’était le bon moment pour bouger et lancer notre projet de moulin.
Quels ont été les critères de recherche du lieu ?
Nous voulions donc un moulin, par définition proche de l’eau (qui est un enjeu important). On voulait aussi qu’il soit à moins d’une heure de Paris en train pour accueillir des séminaires. Cela permet de réduire l’impact carbone lié aux transports de nos visiteurs.
Notre moulin est situé sur la ligne de train Paris (Gare du Nord)-Beauvais, à proximité de la gare d’Esches (c’est d’ailleurs le nom du ruisseau qui traverse le moulin). Il y a ensuite 10mn à pied par un chemin qui traverse la voie ferrée.
A qui s’adresse Robin des Moulins ? Et quelle offre proposes-tu ?
Notre principale activité c’est d’accueillir les entreprises pour des séminaires à la journée ou en résidentiel (off site). On a de la chance : on reçoit surtout des groupes qui partagent nos valeurs et qui ont envie d’emmener le collectif à vivre quelque chose de sympa et convivial, comme à la maison, dans un bâtiment de 200 ans et en pleine nature.
En plus des pièces de vie (salon, cuisine…), nous avons notamment une grande salle de réunion sous les combles. Notre pari c’est que les entreprises ne prennent pas les mêmes décisions au moulin que dans une salle à la Défense par exemple… on espère que le cadre les aide à mieux penser leur impact et à ajuster leur trajectoire !
Les clients peuvent aussi profiter de notre catalogue de formation et d’animations team-building avec nos partenaires (dont Eco-Actitude fait partie). Cette offre dédiée aux entreprises est nécessaire pour être à l’équilibre et maintenir l’entretien du patrimoine.
Notre deuxième mission, c’est de faire du moulin un lieu ressource pour les habitants, une forme de tiers-lieu engagé sur son territoire. Nous accueillons des associations locales, nous organisons des fresques et des ateliers de sensibilisation, un repair café, des ateliers créatifs ainsi que des visites guidées du lieu pour faire vivre le patrimoine.
A terme, nous aimerions créer un café associatif et développer encore plus une programmation engagée qui crée du lien dans le village.
D’ailleurs, en tant que particuliers peut-on le visiter ?
Oui ! On ouvre chaque année pour les journées du patrimoine et on programme régulièrement des visites ou des évènements (journée de la terre, fête de la nature… etc). Toutes les dates sont dans notre agenda en ligne sur le site ! Les événements sont généralement gratuits ou à prix libre.
Et si vous êtes un groupe ou une association et que vous voulez visiter le moulin, envoyez un mail et on trouvera une date ensemble :)
Peux-tu expliquer ce qu’est l’outworking ?
C’est un terme qu’on a inventé pour décrire ce qu’on propose aux entreprises qui viennent en séminaire au moulin.
« Espace de séminaire » ça réduit beaucoup ce qu’on fait. On n’est pas non plus un espace de coworking.
“Outworking” c’est travailler dehors, à la campagne, changer d’air. L’idée c’est de venir en équipe à la journée ou sur plusieurs jours pour se mettre au vert, prendre du recul et ouvrir le champ des possibles.
Quelles sont les actions concrètes que tu mets en place au Moulin pour favoriser la transition écologique ?
Jeter les épluchures à la poubelle pour qu’elles finissent incinérées était ma grosse frustration à Paris… donc la première chose que l’on a mise en place c’est le compost !
Pour les séminaires, on incite les participants à venir en train et à faire du covoiturage car le transport a un gros impact écologique ; on l’a bien vu dans le bilan carbone qu’on a réalisé pour la première fois cette année (on arrive à être jusqu’à 86 fois inférieur à un séminaire classique).
On agit aussi sur la consommation de viande, je propose toujours des repas végétariens. Si les groupes veulent vraiment de la viande alors nous proposons de la viande blanche.
Sur la rénovation et l’aménagement, on a essayé de faire au mieux en utilisant de la récup et le moins de matériaux possible. Par exemple, on a choisi de ne pas recouvrir le sol de la salle à manger même si on a fait tomber un mur : on a simplement rebouché le trou avec un matériau de la même couleur que le carrelage, mais cela reste visible, comme une cicatrice.
Le mobilier est presque entièrement de seconde main sur les 400m² du moulin. Nous avons juste acheté neuf les matelas et draps ainsi que quelques bancs. Mon gros défi : trouver une centaine de chaises d’occasion ! Cela a pris du temps, mais on y est arrivé :)
C’était important pour nous d’équiper le moulin en seconde main pour des questions d’impact écologique (fabrication, transport, emballage) mais aussi de budget (ça coûte beaucoup moins cher). Et surtout ça a beaucoup plus de charme !
On s’adapte aussi aux retours de nos visiteurs. Dans la grande salle, on avait mis des anciennes chaises d’école. Très belles mais une fois quelqu’un est venu visiter et m’a dit «Je ne sais pas si on tient toute la journée dessus…». Du coup, j’ai cherché sur Leboncoin des chaises plus confortables et je n’ai plus eu de remarques :)
As-tu des anecdotes sur des événements ou des collaborations qui ont eu lieu au moulin et qui t’ont particulièrement marqués ?
Il y a un groupe qui voulait absolument venir au moulin. Sauf qu’ils étaient 25 et que l’on n’a que 13 couchages (5 chambres). Je leur ai alors proposé d’aller à l’hôtel ou de planter des tentes dans le parc.
Résultat : ils sont venus avec 10 tentes et même un hamac !
Depuis, des logements ont été rénovés dans la ferme juste à côté et nous permettent de proposer plus d'hébergement si besoin.
Quels ont été les plus grands défis que tu as rencontrés jusqu’à présent ?
Nous rencontrons plein de défis, mais nous avançons petit à petit !
Les travaux du moulin ont été un gros défi, nous étions complètement novices ! Ca a été compliqué plus humainement que techniquement. Nous avons eu de nombreux sujets avec l’architecte et le maître d’œuvre, qui ne s’entendaient pas. On avait du mal à avoir un dialogue constructif. Je comprends maintenant le stress des travaux !
Mon conseil serait de bien choisir les gens avec qui on travaille, de s’entourer et de faire au mieux, même si c’est difficile de lâcher prise…
Et quelles sont tes plus grandes fiertés ?
Ce que j’adore et qui me motive au quotidien, c’est donner vie à une vision qu’on avait rêvée, que des personnes qu’on ne connaissait pas se sentent bien au moulin, s’approprient très rapidement les lieux et y créent de nouveaux souvenirs.
Par exemple, dans le groupe qui a installé les tentes quelqu’un m’a dit « en 20 mn on s‘est senti chez nous ». A la fin, de nombreuses personnes m’ont confié que c’était le meilleur séminaire qu’ils avaient jamais vécu.
Il y a peu d’offres sur ce créneau très particulier : les séminaires se tiennent principalement dans des espaces dédiés, des hôtels, des châteaux, mais c’est assez formel. Si on veut une maison, il faut la louer et s’occuper de toute la logistique. Nous avons créé l’intermédiaire : la maison avec tout le nécessaire, le côté convivial et la facilitation (traiteur, animations, préparation des tables…) qui fait que l’expérience est fluide et très conviviale.
Quels sont les projets futurs de Robin des Moulins et comment souhaites-tu que le lieu évolue ?
On a des projets pour 10 ans, au moins !
Là c’était la première étape pour que le lieu tourne et qu’on commence à rembourser le prêt (investissement acquisition et travaux).
Nous avons principalement 2 gros projets :
- Le premier concerne le champ en face du moulin, où on aimerait installer un jardin pédagogique en permaculture pour consommer nos propres produits lors des séminaires. L’idée est que cela serve également à l’école en créant un lieu éducatif et de partage. Cela demande des investissements et surtout des compétences et du temps, ce dont on manque !
- Le second porte sur la roue du moulin : elle a été cassée en deux et ne tourne pas. Le but n’est pas de la reconstituer et de moudre à nouveau de la farine, mais de mettre en place une turbine pour transformer l’énergie de l’eau en électricité. Là aussi, cela représente beaucoup de démarches administratives, de travaux et des investissements conséquents. Mais on a très envie de le faire un jour !
A titre personnel, est-ce que tu peux me donner quelques exemples de gestes écologiques que tu fais au quotidien ?
Bien sûr, il y en a plein ! Selon moi, les meilleurs gestes sont ceux que tu peux intégrer dans ta routine.
Il faut que cela soit facile au quotidien. J’ai essayé de faire ma lessive mais c’était contraignant pour moi donc j’ai préféré acheter en vrac.
Un de mes premiers gestes écolo a été de passer aux lingettes démaquillantes lavables. J’étais dégoutée de la quantité de cotons de démaquillage que je jetais. C’était polluant, pas agréable, des déchets importants et une galère car j’étais toujours à court. Je ne reviendrai jamais en arrière !
J’agis également sur ma consommation de mode et produits manufacturés. Il y a plus de 10 ans je m’étais renseignée sur l’impact de la fast fashion et j’ai milité dans le collectif Fashion Revolution suite au drame du Rana Plaza. On a produit assez de vêtements pour habiller la terre entière sur plusieurs générations ! Je n’achète quasiment plus que de la seconde main.
C’est devenu un réflexe quand j’ai besoin de quelque chose : je regarde d’abord si je peux le trouver de seconde main et près de chez nous.
Un grand merci à Aurélie pour son témoignage. Robin des Moulins incarne une véritable aventure humaine, professionnelle et écologique. Aurélie et son équipe créent un espace de réflexion et de ressourcement, tout en ancrant leur projet dans la préservation du patrimoine et la transition écologique. Ce projet reflète une vision engagée de l'avenir où la convivialité et le respect de l'environnement se conjuguent pour bâtir un futur plus durable. Une histoire inspirante comme on les aime. ;)
Pour en savoir plus sur Robin des Moulins, rendez-vous sur leur site.
© photos Robin des Moulins
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